L’architecture du paysage – modeler les paysages pour l’utilisation humaine
Tous les jours, à la ville comme à la campagne, nous avons sous les yeux l’un des avatars les plus universels du sol : le paysage. Et à l’instar de tout ce qui l’entoure, l’Homme s’est toujours efforcé de modeler celui-ci à sa convenance, que ce soit pour des raisons esthétiques, économiques, politiques ou les trois à la fois.
Comment changer le paysage et selon quels critères ? Telle est la spécialité de Jurga Kučinskienė, responsable du département de gestion du territoire du Collège d’état de Klaipeda (Klaipėdos Valstybinės Kolegija). C’est après des études en tourisme, section divertissement, qu’elle est arrivée à ce poste, au cœur d’un département d’enseignement et de recherche pluridisciplinaire par excellence : l’architecture du paysage. Ce domaine exige à la fois une compréhension des composants physiques du paysage (sol, végétation), mais aussi des contraintes économiques et sociales liées à un mandat, tout en ayant bien sûr un sens de l’esthétique, un esprit créatif et de nombreuses connaissances techniques (de l’horticulture au bétonnage).
Mais au-delà de la richesse de cette profession, ce qui a attiré Jurga dans la création de nouveaux paysages, c’est surtout la combinaison omniprésente des aspects théoriques et pratiques. En effet, lors d’un projet, il est fréquent de passer en un court laps de temps des premières esquisses et réflexions au démarrage du chantier qui va concrétiser le travail réalisé au bureau. Il est ainsi très gratifiant de pouvoir observer le résultat de son travail sans avoir à attendre la fin de sa carrière.
Le sol à la base des paysages
La thèse qu’elle est en train de finir n’a pas de lien direct avec le sol ; elle traite de l’utilisation du paysage dans les loisirs. Mais l’enseignement dont elle est responsable donne passablement d’importance au sol. Car « rien ne sert de faire de jolis plans si l’on est incapable de les concrétiser. Et le sol reste un élément clef du paysage, du plus naturel au plus artificiel ! ». Ainsi ses étudiants reçoivent une formation de base en pédologie avant de pouvoir passer aux autres aspects de la création paysagère comme l’horticulture, le design et la planification.
Cette entrée en matière est indispensable, car par la suite le sol restera pour chaque architecte du paysage, un outil indispensable et une contrainte dont il ne pourra jamais faire abstraction. Celui-ci étant la base même des paysages, il est bien souvent impossible de modifier l’un sans toucher l’autre. Et si cette professeure conseille toujours à ses étudiants de choisir des plantes adaptées au sol existant, cela n’est pas toujours possible. Lorsqu’il s’agit de créer une ambiance « naturelle » tout va bien, mais il en va autrement dès qu’un client exige « des jolies fleurs et un beau gazon ». Dans ce cas de figure le sol en place doit souvent être modifié par l’ajout d’argile, de matière organique ou de chaux par exemple, voir même remplacé par un mélange de sable, d’argile et de tourbe.
Si elle estime que l’emploi de ces techniques est raisonnable pour certains projets, surtout urbains, elle considère toutefois qu’il n’existe pas de mauvais sols, que des mauvais choix. «Il n’existe pas de mauvais sols, mais que des personnes difficiles qui veulent voir sur leurs terres des plantes qui ne peuvent pas y pousser. » Et si la mode du bio et de l’harmonie avec la nature permet une certaine amélioration de la situation, les demandes de la plupart des clients restent catégoriques et éloignées de tout souci de convergence avec le sol en place. Soucieuse de minimiser les impacts sur l’environnement, elle espère que les gens finiront par comprendre qu’« il n’est pas toujours nécessaire de tout changer et qu’il faut être capable de se contenter de ce dont on a besoin. »
Des sols et des paysages à regarder et à protéger
Selon son expérience, les sols et les paysages méritent protection face aux atteintes à l’environnement. Toutefois, pour elle, cette protection passe également par leur utilisation et non en les préservant de toute activité humaine. En effet la diversité des sols et des paysages qui leur sont liés est fortement dépendante de l’usage que l’Homme en fait. Et si l’on abandonnait les sols à leur sort, leur diversité, ainsi que les paysages et la biodiversité qui y sont attachés, seraient également menacés.
Pour protéger les paysages, il faut les utiliser, en profiter et surtout réapprendre à les regarder. C’est l’un des plus important enseignement dans les cours d’architecture du paysage : regarder le paysage autour de soi. Souvent l’on est trop occupé à autre chose pour le voir, on ne remarque plus quels arbres poussent autour de nous. Voir le paysage, c’est un premier pas vers sa protection.
Il est difficile d’attirer l’attention du grand public sur les sols : on n’y trouve ni ours blanc ni tigres, ni baleines. Pour y parvenir les paysages lui semblent le meilleur vecteur. « En protégeant les paysages, on protège aussi les sols qui y sont liés et tout le monde y est sensible, en effet qui n’a pas de souvenir magique lié à un splendide paysage ? »